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Découverte de vestiges royaux dans un grenier de la Boucle

En plus de fortifier Besançon, Vauban y fit ériger un arc de triomphe monumental à la gloire de Louis XIV, alors mis en avant comme un roi de guerre, conquérant de la Franche Comté. Nous venons d’en retrouver des vestiges à un emplacement insolite.

Construit entre 1693 et 1698, d’après Castan dans ses “Notes sur l’histoire municipale de Besançon”, l’arc triomphal était large de 21 mètres et culminait à 24 mètres.

Son sous-sol abritait une casemate (ouvrage défensif pouvant abriter des canons) ; son rez-de-chaussée trois portiques (un central, pour les voitures attelées, et deux latéraux dotés de portes, à l’usage des piétons) ainsi qu’un corps de garde ; à l’étage des fenêtres d’un logement militaire entourées de pilastres ioniques ; et, au sommet, un attique arborant les armes du Roi.

Billard et Boutiques

Ce monument devait être couronné par une statue équestre de Louis XIV ; mais ce projet n’a pu être réalisé”, avance Alex Guenard dans “Besançon, description historique des monuments et établissements publics”.

Par ailleurs, “les officiers de la garnison avaient établi un billard dans une grande pièce au-dessus du cintre principal” et, dès 1742, les deux batteries de la casemate “étaient devenues deux boutiques, l’une était louée au profit de l’état-major, l’autre au profit de la ville”, précise S-E Hyenne dans sa “Notice historique sur le pont de Battant”.

L’édifice était vraisemblablement autant un monument à la gloire du souverain solaire qu’une porte protégeant la Cité. Majestueux sur papier, il s’est dans les faits rapidement détérioré.

Un Arc en ruines

Dès 1737 il est attesté que l’arc s’était fortement dégradé. Non seulement, il avait été construit en pierres gélives de mauvaise qualité, mais en outre, son emplacement sur le pont Battant l’exposait de plein fouet aux vents froids et aux intempéries. Et, comme si cela ne suffisait pas pour le fragiliser, ses fondations n’étaient pas assez robustes pour le soutenir convenablement”, nous explique l’historien Pascal Brunet, spécialiste du Besançon du XVIIIè siècle.

Par ailleurs, le bâtiment n’était pas correctement maintenu et sa toiture en fer blanc laissait s’infiltrer une eau l’affaiblissant davantage.

Dans ces circonstances, il était devenu un gouffre financier : l’entretenir se révélait très coûteux.

Pierres de réemploi

Fin 1774, il fut décidé de le démolir. Le registre des délibérations municipales de l’année 1775 (Archives municipales, BB192) indique, en date du 18 juillet, que les matériaux issus de la démolition ont été adjugés à Jean Bonnaventure, Maître maçon, pour 2400 livres.

A la même époque, le Grand Séminaire faisait construire plusieurs immeubles rue de la Préfecture, dénommée alors rue de Traverse (en vue de générer des revenus locatifs). D’ailleurs, moins de quinze jours plus tard, le 30 juillet, le même registre municipal évoque une requête émise par le Directeur du séminaire d’exemption du droit de rouage “pour deux voitures sur lesquelles (il fera) conduire journellement les matériaux destinés à la construction des bâtiments”.

Ajoutons que l’architecte bisontin Jean-Charles Colombot avait effectué, en 1774, une inspection de l’Arc de Triomphe afin d’estimer si sa réparation était possible (Archives municipales, DD167). C’est son fils, Claude-Antoine, qui était l’architecte de l’immeuble dans lequel les vestiges ont été retrouvés. La bonne aubaine de la revente à bas prix des matériaux s’était peut-être fait connaître ainsi.

Deux vestiges rue de la Préfecture

C’est aux côtés de Pascal Brunet que nous avons exploré plusieurs combles en diverses adresses de l’ancienne rue de l’Intendance avant de découvrir les précieux blocs, au nombre de deux, insérés à une vingtaine de mètres de distance l’un de l’autre dans un grenier.

Ils représentent les seuls vestiges dont on possède la certitude qu’ils proviennent de l’imposant arc.

Leur marquage caractéristique permet d’affirmer qu’ils proviennent des pilastres ioniques cannelés qui habillaient le second étage de l’arc. Il s’agit de matériaux de récupération. Ces pierres de réemploi ne correspondant pas au calibre et à la qualité requise pour les parties nobles de l’immeuble, comme la façade, elles étaient idéales pour le libage, d’où leur emplacement dans un grenier”, analyse Pascal.

Il est fort probable que d’autres blocs constituant les combles ou bien les fondations de cet immeuble proviennent du même monument, mais leur aspect anonyme les fait se fondre au milieu des autres, car ils sont tous en pierre de Besançon. Ce qui est intéressant avec ces blocs-ci, ce sont justement leurs cannelures caractéristiques. On peut d’ailleurs s’interroger sur la raison pour laquelle elles ont été disposées du côté visible, et non pas l’inverse ? Etait-ce pour laisser une trace de l’arc triomphal à qui voudrait bien la voir ?”, ajoute-t-il.

Il faut effectivement un œil averti pour deviner leur insolite provenance.



Crédits photos : Archives Municipales de Besançon ; Bibliothèque Nationale de France ; Orianne VATIN

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